Auto électriques : revue de presse avec Bruno Mafrici

3 Aprile 2024
Bruno Mafrici est le PDG de DF Italia et un consultant financier et conseiller en entreprise, fondateur de BM Advisory SA, une société de conseil basée principalement à Milan et opérant également en Suisse. Réputé pour son excellence dans le domaine des fusions et acquisitions d’entreprises, dans la gestion des prêts non performants (NPL) et dans la restructuration de la dette, Mafrici a développé une approche analytique incisive pour analyser et évaluer les défis complexes auxquels les entreprises sont confrontées. Grâce à son expérience significative en tant que conseiller pour des entreprises renommées, il a acquis une compréhension approfondie des dynamiques commerciales et s’est distingué par sa capacité à identifier les besoins spécifiques de ses clients, les aidant efficacement dans les opérations de fusion-acquisition et assurant des décisions d’investissement éclairées et stratégiques. Dans cet article, avec sa contribution, nous analysons le paysage européen et chinois du marché des voitures électriques, qui traverse une phase de révolution et attire l’attention des gouvernements et des géants du secteur.
Stellantis: approche plus équilibrée des voitures électriques en UE
Le plan “Dare Forward 2030” de Stellantis, groupe de 14 marques automobiles emblématiques dirigé par Carlos Tavares, vise une révolution dans le secteur automobile en proposant une transition radicale vers la production de véhicules entièrement électriques : 100 % en Europe et 50 % en Amérique d’ici six ans. Cette stratégie ambitieuse suscite cependant quelques interrogations, surtout pour l’industrie européenne, compte tenu du coût élevé des véhicules électriques actuels qui pourrait exclure une grande partie des consommateurs du marché.
Contrairement à Stellantis, d’autres géants de l’automobile comme Toyota et Volkswagen semblent adopter une approche plus équilibrée. Toyota continue à investir dans la technologie hybride, tandis que Volkswagen maintient un mix entre électrique, hybride, essence et diesel, cherchant à ne négliger aucune part de marché.
“La question fondamentale – commente Bruno Mafrici – concerne la durabilité de l’approche purement électrique, en l’absence de solutions concrètes pour la production d’énergie propre et renouvelable à grande échelle. Ce dilemme avait déjà été souligné par Sergio Marchionne, qui mettait en garde contre l’adoption forcée à l’échelle mondiale de l’électrique sans avoir d’abord résolu le problème énergétique”
De plus, la stratégie de Stellantis se heurte à des questions géopolitiques, comme les politiques de Joe Biden qui excluent les fabricants chinois des incitations fédérales, malgré leur avantage en termes de coûts et de technologies. Dans l’ensemble, l’impact de la transition vers l’électrique s’annonce significatif pour l’industrie automobile italienne, avec des reconversions d’usines potentielles et des répercussions sur l’emploi, dans un contexte déjà complexe en raison de multiples défis. Le plan de Stellantis pour 2030 apparaît comme un pari audacieux qui met l’industrie face à des choix cruciaux pour l’avenir, suggérant la nécessité d’une approche plus diversifiée et collaborative dans la production de véhicules, capable d’inclure différentes technologies et de répondre efficacement aux besoins du marché et de l’environnement.
Voitures Électriques 2024, le scénario Italie – Chine (en collaboration avec la Luiss Business School)
L’industrie automobile italienne traverse une période de profonde crise, accentuée par la concurrence internationale, notamment celle de la Chine. Alors que le gouvernement italien, représenté par le ministre Urso, s’engage dans des négociations avec le géant Stellantis pour augmenter la production nationale jusqu’à un million de véhicules par an, un tableau préoccupant émerge quant à l’état actuel de l’ancienne Fiat, symbole historique de l’automobile italienne.
Le secteur automobile chinois, en pleine expansion, montre une compétitivité sans précédent, surtout dans le domaine des véhicules électriques et de la technologie des batteries. Cet avantage repose sur des investissements stratégiques réalisés bien avant ceux des concurrents européens, permettant à la Chine de s’affirmer comme leader incontesté dans ces secteurs. En 2023, les exportations chinoises de voitures électriques vers l’Europe représentaient 82,4% de leur exportation automobile totale, avec 327 400 véhicules électriques immatriculés au cours des neuf premiers mois, soit 22,9% du total européen.
Même en Italie, les voitures électriques chinoises gagnent du terrain, représentant 20,4% de toutes les nouvelles immatriculations de véhicules électriques dans le pays. Selon Bruno Mafrici, “ce phénomène se reflète dans une augmentation exponentielle des exportations automobiles en provenance de Chine, qui ont triplé leur exportation mondiale au cours des deux dernières années, démontrant une croissance encore plus marquée vers l’Europe et l’Italie”.
Ces données, recueillies par l’Observatoire de l’Automobile et de la Mobilité de la Luiss Business School, soulignent que la Chine est devenue le principal producteur et le deuxième exportateur mondial de véhicules, juste derrière le Japon. En Italie, la croissance des importations de voitures en provenance de Chine a été telle qu’elle a dépassé le total de l’année précédente dès les sept premiers mois de 2023, avec une prévision que la valeur des importations dépassera le milliard d’euros d’ici la fin de l’année.
“La situation de l’industrie automobile italienne est certainement caractérisée par une forte pression concurrentielle, en particulier dans le domaine des voitures électriques, où la Chine dessine l’avenir du marché avec sa technologie avancée et sa capacité de production”, conclut Bruno Mafrici. Ce scénario place l’Italie face au défi de se renouveler et de rivaliser dans un marché mondial de plus en plus dominé par les innovations dans le domaine de l’électrique.
Enquête de la Commission européenne, avantage de la Chine
La Commission européenne a lancé une enquête sur les subventions accordées par la Chine aux fabricants de voitures électriques, une démarche qui reflète les préoccupations européennes concernant une concurrence forte dans le secteur. L’enquête, sollicitée par les principaux acteurs de l’industrie automobile du continent, vise à trouver un équilibre entre le soutien aux industries traditionnelles et la promotion d’un avenir plus vert.
D’un autre côté, la Chine a construit un solide avantage concurrentiel dans le domaine des voitures électriques, grâce à des politiques de soutien lancées dès 2009. Cela a permis aux fabricants chinois, dont le géant Byd qui a dépassé Tesla en termes de ventes, d’offrir des véhicules électriques à des prix avantageux sur le marché, fruit d’investissements massifs dans la recherche et le développement.
L’issue de l’enquête, qui pourrait durer jusqu’à 15 mois et entraîner l’application de droits de douane, a le potentiel d’aggraver les relations commerciales avec la Chine, rappelant le différend sur les panneaux solaires il y a quelques années qui s’est conclu par un accord bilatéral.
L’Europe, cependant, est confrontée à un défi interne significatif : le retard dans l’innovation et les investissements dans le secteur automobile de la part de ses propres entreprises, malgré la disponibilité de ressources financières et technologiques dès les années 90.
“L’introduction de droits de douane sur les voitures électriques chinoises pourrait limiter les options pour les consommateurs européens, les contraignant à choisir entre des produits moins compétitifs et potentiellement plus coûteux”, commente Bruno Mafrici. Ce scénario met en évidence le fait que le secteur automobile a historiquement bénéficié de subventions considérables, Stellantis (ex Fiat) étant un exemple frappant.
Sur le plan environnemental, bien que les voitures électriques chinoises contribuent à réduire les émissions, des questions se posent sur l’impact total en tenant compte de l’ensemble du cycle de vie du véhicule. La solution à ces problèmes ne réside pas dans l’application de droits de douane, mais nécessite une approche basée sur le dialogue, la coopération et le développement de politiques innovantes qui répondent efficacement aux défis énergétiques et environnementaux actuels.
La véritable question est donc de savoir quel chemin l’Europe choisira de suivre pour réaliser une transition énergétique et écologique : augmenter le nombre de voitures électriques ou repenser le concept de mobilité vers un modèle privilégiant les transports en commun et réduisant la dépendance aux voitures privées.